Un art engagé : la caricature politique
La Troisième République marque l’âge d’or du dessin de presse politique en France. Né de la débâcle face à la Prusse, ce régime se montre fragile et vivement contesté par le biais de caricatures. Certains courants politiques font l’objet de fortes attaques, comme le socialisme, fréquemment dépeint par Achille Lemot dans le journal catholique Le Pèlerin comme une illusion trompant le peuple.
A l’échelle locale, Tristan de Pyègne s’attaque avec férocité à la vie politique rémoise et ses protagonistes. Les unes de La Vie Champenoise illustrée dépeignent les travers de la vie démocratique locale, comme le cas du député Léon Mirman, accusé de ne pas avoir effectué les dix ans de professorat requis pour être exempté de service militaire.
La caricature politique atteint son apogée par la dénonciation des multiples scandales émaillant la Troisième République. L’affaire Dreyfus apparaît comme un catalyseur de ce phénomène : des visions radicalement opposées s’affrontent par titres de presse interposés, matérialisant la scission de la société française à la fin du XIXe siècle. Forain et Willette se revendiquent antidreyfusards : en 1898, Forain fonde avec le dessinateur Caran d’Ache (1858-1909) le Psst...!, qui lui permet de véhiculer sa vision de l’affaire à travers des caricatures antisémites d’une rare violence. Ses dessins cristallisent la méfiance et la haine d’une partie de la population française envers les Juifs. La même année, Le Sifflet est fondé en 1898 par Achille Steens afin de défendre Alfred Dreyfus et de dénoncer l’antisémitisme dont il est victime. La dimension politique de la caricature constitue ainsi un révélateur de la profonde xénophobie marquant la société française sous la Troisième République.
La petite anecdote
Adolphe Willette se présente aux élections législatives du 22 septembre 1889 en tant que candidat antisémite dans le IXe arrondissement de Paris, où se trouve Montmartre. Il produit à cette occasion une des premières affiches électorales illustrées. Mais dans le quartier, le caricaturiste est bien connu pour ses fêtes, ses frasques et son goût pour le déguisement. Les électeurs pensent que c’est un canular : il ne récolte que 69 voix. Son affiche est rééditée par les nazis sous le régime de Vichy en 1942-1943.
BM Reims, TGF 20_23
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