Un nouveau rapport à l’image
La caricature ne se cantonne pas à une simple visée humoristique et satirique mais apparaît également comme un vecteur efficace d’informations, tant dans le domaine de la publicité que de celui de la vie artistique. Un langage visuel marquant, une esthétique alliant l’essentiel à la simplicité des formes, se révèlent idéaux pour transmettre rapidement une information et attirer l’œil du passant.
Au cours du XIXe siècle, le nombre de lecteurs de la presse augmente de manière considérable. Le journal devient un produit de consommation courante. La caricature se déploie à grande échelle dans l’espace public, dans la presse, dont le nombre de titres se multiplie, dans des menus, des programmes de spectacles ou encore des cartes postales. Un nouveau rapport à l’image se développe alors dans la société française de la Belle Epoque.
A partir de 1900, la compétition économique s’intensifie entre l’Europe et l’Amérique du Nord. La France doit pouvoir faire connaitre son savoir-faire et son dynamisme industriel à plus grand échelle. La publicité devient alors le média incontournable pour assurer cette promotion. En 1901, près de 1 500 000 affiches publicitaires sont collées à Paris et 6 millions dans toute la France.
L’affiche et la caricature partagent l’art de la synthèse, de l’instantané, de l’évidence et de l’efficacité. Le style des caricaturistes intéresse les publicitaires qui vont les employer dans tous les secteurs de l’économie : les grands magasins et la mode, les boissons et l’alimentation, le tourisme et les spectacles. Jean-Louis Forain et Adolphe Willette (1857-1926) ont répondu à de nombreuses commandes de publicitaires. Néanmoins, la caricature représentée dans les affiches commerciales n’a pas la violence des charges proposées dans la presse, les publicitaires désirant un dessin plus léger.
Pendant la Grande Guerre, des affiches de propagande destinées à promouvoir des actions de bienfaisance, de soutien aux soldats ou de soutien financier à l’effort de guerre sont commandées. Nombre de caricaturistes, comme Léandre, Poulbot, Steinlen, Willette ou Forain réalisent des affiches dans un ton plus lyrique et symbolique que celui de la veine satirique habituellement de mise.
La petite anecdote
En juin 1911, la famille grenobloise Cartier-Millon crée une marque afin de personnaliser l’image de son commerce de pâtes alimentaires fondé en 1871. Elle organise à cette occasion un concours d’affiches pour en faire la promotion. Le jury, composé de douze caricaturistes dont le rémois Jean-Louis Forain et le châlonnais Adolphe Willette, choisit le projet de Tancrède Synave (1870-1936). Dans sa composition, les pâtes sont conditionnées dans une boîte décorée d’un damier bleu et blanc qui reste emblématique de la marque. Pour célébrer l’événement, le jury et le gagnant sont invités à un grand dîner. Dans l’euphorie du moment, Jean-Louis Forain chante la célèbre comptine « C’est la mère Michel… » et croque dans la foulée une silhouette du Père Lustucru. Ainsi, les pâtes sans œufs furent baptisées « La Mère Michel » et celles contenant des œufs « Le pèr’ Lustucru ».
Plusieurs illustrateurs, tels que Eugène Farcy (1830-1910), Dransy (1883-1945) ou Leonetto Cappiello (1875-1942), ont prêté leur main à la marque.
Bibliothèque nationale de France, JOD-220