La restauration de l'année
Intro
Chaque année la bibliothèque fait appel à un restaurateur pour soigner les documents les plus abîmés. La réserve précieuse conserve en effet des ouvrages incommunicables à cause de leur état de dégradation avancé. Ces ouvrages ne pourront de nouveau être consultés ou exposés qu’après cette opération indispensable.
Ce traitement curatif permet de retrouver l’intégrité physique et l’usage premier du document.
Les restaurateurs utilisent des matériaux stables et réversibles dans le temps. Une restauration doit rester discrète mais visible par un œil averti.
La restauration de l'année
La politique de restauration
La politique de restauration menée par la bibliothèque municipale de Reims s’effectue selon plusieurs critères.
Un travail préalable de repérage des documents les plus dégradés a été réalisé dans la réserve précieuse, avec plusieurs degrés, le plus avancé étant « état calamiteux ».
C’est donc prioritairement dans ce vivier que l’on puise les ouvrages à restaurer en externe chaque année.
Le choix final est influé par les critères suivants, en fonction :
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des expositions, afin d’anticiper les restaurations d’ouvrages susceptibles de faire partie d’expositions patrimoniales à venir
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de l’actualité patrimoniale, selon les récentes acquisitions
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des grands chantiers de collections
Les objectifs
La restauration regroupe des interventions bien spécifiques de sauvegarde d’un objet ou d’un monument dans le respect de sa signification à la fois culturelle, historique, esthétique, éthique et artistique.
L’objectif d’une intervention de conservation-restauration n’est pas de remettre les biens culturels « à neuf », mais bien de prolonger leur durée de vie dans ce qu’ils représentent comme liens entre les époques et les générations.
La conservation préventive regroupe l’ensemble des actions entreprises indirectement sur les biens culturels. Elle agit sur leur environnement afin d’en retarder la détérioration ou d’en prévenir les risques d’altération.
La bibliothèque patrimoniale Carnegie a comme projet de valoriser les manuscrits de l’abbaye Saint-Remi, dont est issu le manuscrit 690.
Cet important ouvrage de droit canonique a été rédigé par l’évêque Bernard de Pavie au 13e siècle. Sa reliure originelle subsistait, en planches de bois de hêtre recouvertes de cuir de veau fauve. Le texte inscrit sur parchemin est complété de lettrines ornées ainsi que marginalia bleues et rouges.
La Compilatio prima Decretalium seu Bernardi Papiensis Breviarium, cum glossa. — Compilatio secunda Decretalium, cum glossa, auctore Johanne Gallensi. — Compilatio quarta Decretalium, cum glossa était un outil de travail du clergé de l’abbaye Saint-Remi qui s’y referait souvent, puis malmené lors de ses nombreux déplacements pendant la Révolution Française. Le document a donc été beaucoup manipulé et endommagé.
Avec les plats détachés, le cuir soulevé et désolidarisé du dos, une exposition n’était pas envisageable pour ce document et sa lecture par les chercheurs devenait problématique. Des mesures de conservation préventive ont été mises en œuvre. L’ouvrage avait été entièrement numérisé afin de le communiquer au plus grand nombre et était conservé dans une boite sur mesure. La restauration participe donc à cette logique de conservation au long terme.
Le manuscrit a été confié aux restauratrices de l’atelier Coralie Barbe pour reconsolider, préserver et restaurer cette reliure, figure importante de l’histoire religieuse de Reims.
L’ouvrage a été entièrement dépoussiéré et ses déchirures consolidées. La première page de garde a été décollée afin de discrètement rattacher la couverture aux pages. Les coins des ais ont été comblés par du balsa , de poudre de cellulose et de colle de poisson. Une greffe de cuir de veau a ensuite été posée afin de combler les lacunes existantes le long du dos, puis des collages de papiers japonais très fins ont permis de fixer les soulèvements et épidermures du cuir. Le tout a enfin été remis à la teinte à l’aide de différentes peintures et teintures.
Comme chaque année, la bibliothèque Carnegie lance un chantier de restauration pour l’un de ses livres précieux endommagé afin qu’il puisse perdurer. Le choix s’est porté sur un manuscrit de droit canonique du 13e siècle, Apparatus Bartholomei Brixiensis super Ia et IIa partibus Decreti de Barthélémy De Brescia. Entièrement numérisé en noir et blanc, ce document est accessible sur le site de l'Institut de recherche et d’histoire des textes.
Le Ms. 682 de la bibliothèque municipale de Reims est un document de travail des moines de l’abbaye Saint-Remi. Saisi par les révolutionnaires, ce grand manuscrit quitte les théologiens pour être entreposé dans le « dépôt littéraire » de la basilique Saint-Denis puis les magasins de la bibliothèque de Reims avant de rejoindre les collections de la bibliothèque Carnegie. Cet ouvrage est caractéristique des reliures monastiques du 13e siècle. Les feuillets de parchemin sont liés entre eux par une couture à chevron sur 5 nerfs. Une peau de mouton tannée dans une solution d'eau, d'alun, de sel et de cendres recouvre un épais support en bois de hêtre. Un certain soin est apporté au décor, avec un fleuron doré au centre de caissons scandés par des nerfs ornés de doubles filets poussés à froid.
Malgré le soin apporté à sa conservation, les déplacements, les manipulations des lecteurs et les insectes ont grandement endommagés le livre, mettant en danger son texte et sa reliure. En l’état, l’ouvrage est incommunicable et son intégrité est menacée.
Une première restauration avait été réalisée par les moines eux-mêmes au 13e siècle. Une pièce de cuir a ainsi été collée sur le dos puis maintenue par des clous enfoncés dans le bois. Ces éléments dangereux pour la survie du livre ont ainsi été déposés. Les clous rouillés perçant le bois, des fils, des lanières de cuir et autres défets ont été conservés dans une pochette rangée dans la boîte de conservation de l’ouvrage.
Les ais en bois, sous la couverture, étaient dans un état très préoccupant. Les galeries d’insectes les avaient considérablement fragilisés ; des morceaux de bois s’échappaient à chaque manipulation. Leur consolidation a nécessité de décoller entièrement la couvrure en cuir ainsi que la page de garde qui y était collée. Chaque galerie a été vidée à l’aiguille et rebouchée à la colle de peau de poisson.
N’étant plus protégées par la couverture, les pages de ce manuscrit ont accumulées la poussière, terreau favorable à de futures apparitions d’insectes. Certains feuillets ont donc été remis à plat et dépoussiérés. Suivant cette opération, la couture et le dos du livre ont été consolidés et apprêtés afin de rendre une cohésion au corps d’ouvrage et renforcer la structure du livre. Les broderies se situant aux extrémités de l’ouvrage, appelées tranchefiles, ont elles aussi été consolidées et repositionnées. L’une d’elles a été entièrement reconstituée à l'aide de fil de lin sur un support en ficelle et papier japonais.
Après avoir solidement restructuré le livre et s’être assurées de la bonne ouverture et de la stabilité de l’ouvrage, les restauratrices de l’atelier Coralie Barbe ont comblé les lacunes de cuir – notamment sur le dos, les coiffes et le mors supérieur – au moyen de greffes de cuir teinté, permettant d’amoindrir les contraintes mécaniques sur le cuir ancien. Une réintégration de cuir a été effectuée.
Des recommandations de temps d’exposition à la lumière et de présentation de l’objet ont été données par l’atelier de restauration, rendant à ce livre la possibilité d’être présenté aux usagers de la bibliothèque Carnegie.
En 2021, le choix du manuscrit à restaurer s’est porté sur une cosmographie ancienne du XVe siècle : le manuscrit 1320, Ptolomaei Alexandrini Cosmographiae libri VIII, juxta translationem Jacobi Angeli.
Le dos de ce manuscrit était fortement lacunaire et ne tenait que par quelques renforts de toile. La couture rompue à plusieurs endroits rendait le manuscrit peu manipulable sans risquer de plus graves détériorations.
Le choix de la restauration va permettre de stabiliser les différentes altérations afin de garantir la bonne conservation du manuscrit sur le long terme.
Les renforts restant du dos ont été dégagés mécaniquement pour mieux le consolider. Les supports de couture et le fils de couture ont été repris pour permettre une meilleure ouverture du manuscrit et renforcer le corps d’ouvrage.
La lacune de l’ais a été comblée avec du balsa (bois très tendre et stable) et de la cellulose mélangée à de la colle de poisson.
Un nouveau dos a été créé en moulant différentes couches de papier japonais sur le dos existant. Cette technique permet de créer un nouveau dos qui épouse parfaitement le corps d’ouvrage souvent déformé par son usage et sa manipulation. Un nouveau cuir à l'alun a été teinté avec la couleur la plus claire du cuir d’origine puis fixé sur le dos.
Grâce à cette restauration, le manuscrit sera présenté dans les meilleures conditions lors de l'exposition de septembre 2022 consacrée à la cartographie.
En 2019, deux manuscrits ont été restaurés par Coralie Barbe pour s’inscrire dans le programme de mise à jour des provenances. Les deux ouvrages sélectionnés portent l’ex-libris de la bibliothèque de l’abbaye Saint-Denis, en écho au sujet de mémoire entrepris par une étudiante de l’Université de Troyes. Ces ouvrages sont entrés dans les collections de la bibliothèque de Reims au moment des saisies révolutionnaires.
Le Manuscrit 458, Exceptionum collectarum e libris B. Bernardi libri X. — Libellus florum e libris B.Augustini, date du XIIIe siècle.
La couvrure de cet ouvrage était très fragilisée : le cuir était fortement lacunaire, épidermé et friable. L’attache du plat supérieur était partiellement rompue, ce qui rendait la manipulation du manuscrit très délicate. La couture était en mauvais état de conservation, elle était rompue dans le premier cahier entre les feuillets 24 et 25. Les feuillets liminaires et les contre-gardes étaient lacunaires en raison de la corrosion des anciens fermoirs.
La restauration de ce manuscrit a commencé par une visite complète du corps d’ouvrage pour le dépoussiérer, consolider et mettre à plat certains feuillets. Une apprêture en toile en tête a été collée sur le dos du corps d’ouvrage pour consolider la couture et permettre de rattacher le corps d’ouvrage au plat supérieur. Le cuir de la couverture a été consolidé et recollé ponctuellement avec de la colle d’amidon concentrée. Des papiers de conservation coupés au format du manuscrit ont été insérés au niveau des contre-gardes pour limiter les altérations des pointes métalliques des anciens fermoirs.
Le Manuscrit 1353, Historia ecclesiastica de Eusebius Caesariensis, date du XIVe siècle(vers 1331-1350.
Les dégradations de ce manuscrit étaient situées principalement sur les plats et leur couvrure. Le cuir de la couvrure de cet ouvrage se montrait lacunaire et éraflé. Le mors supérieur était fendu tout du long et lacunaire. Comme pour le premier manuscrit, l’attache du plat supérieur était partiellement rompue et le plat inférieur fragilisé par des galeries d’insectes xylophages.
Une visite complète du corps d’ouvrage a permis de le dépoussiérer et mettre à plat certains feuillets après leur humidification. Le travail principal a consisté en la consolidation du mors supérieur avec l’ajout de papier japonais, ainsi que la consolidation des plats avec des imprégnations au Paraloïd B72 (colle acrylique diluée à l’alcool étylique) et poudre de cellulose. Les lacunes de la couvrure ont également été comblées par du papier japonais teinté.
Pour 2018, le choix du manuscrit à restaurer s’inscrit dans le programme de mise à jour des provenances. L’ouvrage sélectionné porte l’Ex-libris de la bibliothèque de Saint-Denis, en écho au sujet de mémoire commencé par une étudiante de l’Université de Troyes.
Le Manuscrit 541, Guillelmi Peraldi Summa seu tractatus moralis de virtutibus date de la fin du XIIIe siècle. Il est entré dans les collections de la bibliothèque de Reims au moment des saisies révolutionnaires.
La reliure de cet ouvrage est très fragilisée : la couvrure est entièrement désolidarisée du corps d’ouvrage. L’ais inférieur en bois est fendu de tout son long à cause des anciennes ferrures très oxydées. La couture est en très mauvais état de conservation, elle est sectionnée à plusieurs endroits, principalement entre les feuillets 121 et 122. Le premier et dernier feuillets sont presque détachés.
La restauratrice retenue pour ce travail, Coralie Barbe, a effectué une visite complète du corps d’ouvrage pour le dépoussiérer, mettre à plat certains feuillets et consolider les déchirures. Une double apprêture a été collée sur le dos du corps d’ouvrage pour consolider la couture et permettre de resolidariser le corps d’ouvrage aux plats avec l’ajout de soufflets en toile. La fente de l’ais a été consolidée avec de la colle de poisson mélangée à de la poudre de cellulose (cette colle animale a un fort pouvoir collant). Les tranchefiles ont été consolidées. Les lacunes du cuir de couvrure ont été comblées avec du papier japonais teinté à l’acrylique.
Pour 2017, le choix s’est porté sur deux livres d’heures médiévaux enluminés, récemment acquis par la bibliothèque. En septembre 2017, Coralie Barbe, restauratrice de livres anciens, a convoyé les deux ouvrages dans son atelier parisien pour un traitement de deux mois.
Le manuscrit Ms 2861, livre d’heures réalisé au XVème siècle, est acquis par la bibliothèque en 2016 grâce au mécénat de la Fondation Breslauer (en savoir plus sur cette acquisition).
La reliure de cet ouvrage était très fragilisée. Elle est constituée d’ais de bois1 qui ont subi une attaque d’insectes xylophages. Ces insectes ont attaqué le bois mais également la couvrure en cuir et le papier de garde car ils sont friands de la cellulose contenue dans ces trois matériaux. Le mors du livre était fendu et les plats étaient donc désolidarisés du corps d’ouvrage.
Le livre a été consolidé au niveau du dos. Pour soulager la couture lors de l’ouverture de l’ouvrage, une nouvelle apprêture en toile2 a été collée entre chaque nerf. La partie du cuir du dos n’a pas été recollé directement sur le corps d’ouvrage mais sur une coque réalisée préalablement avec du papier japonais pour faciliter l’ouverture du manuscrit. Les trous présents sur le bois des ais ont été comblés et consolidés avec un mélange de bois souple (balsa), de poudre de cellulose et colle de poisson. Les contre-gardes ont été restaurées avant d’être recollées en plein sur le contreplat. Les épidermures du cuir3 ont été consolidées par une couche fine de colle très diluée à base alcoolique.
Le livre d’heures de Marguerite Cuissotte (Ms 2852), manuscrit réalisé au milieu du XVème siècle est acquis par la bibliothèque en 2007.
Cet ouvrage était extrêmement fragile, les nerfs de couture étaient sectionnés en leur centre et également à la jonction avec les plats.
Une nouvelle apprêture en papier japonais4 a été collé sur le dos du livre pour le consolider et rapprocher les deux parties du corps d’ouvrage. Le premier cahier a été recousu comme la couture d’origine. Les tranchefiles ont été consolidées avec des points de colle d’amidon. Les trous présents sur le cuir ont été comblés avec du papier japonais teinté avec de la teinture pour cuir.