La guerre de Forain Partie 3

Jean-Louis Forain et la Première Guerre mondiale

Le Rémois Jean-Louis Forain (1852-1931) est célèbre pour ses dessins satiriques publiés dans de nombreux journaux.

Il a 62 ans lorsque l'Allemagne déclare la guerre à la France, le 3 août 1914. Dans un élan patriotique, Forain propose ses services au journal Le Figaro en tant que correspondant de guerre sur le front, mais son rédacteur en chef, Alfred Capus, s'y oppose.
Touché par la blessure de son fils dès les premiers jours de la guerre et outré par le bombardement de la cathédrale de Reims le 19 septembre, Forain se porte volontaire dans l'armée.

La popularité des dessins de Jean-Louis Forain

Un public limité...

Durant la Première Guerre mondiale, les journaux L'Avenir, Le Figaro et Oui dans lesquels Jean-Louis Forain fait publier ses illustrations ont une diffusion plutôt modeste.
Les rééditions en série de ses dessins limitées à 300 exemplaires sont quant à elles assez onéreuses.

... qui s'étend grâce à la popularité de l'artiste

Malgré cette exposition limitée, la popularité de Forain et la lisibilité très aisée de ses oeuvres incitent de nombreux abonnés à collecter et conserver ses dessins, puis à les commenter entre eux.
En outre, certains périodiques illustrés tels que La Baïonnette reproduisent dans leurs pages en miniature les dessins les plus marquants du moment et contribuent à la renommée de ceux-ci.

Des œuvres plutôt bien accueillies par les soldats

Les Poilus sont quant à eux très méfiants envers les journaux traditionnels et leurs illustrateurs qui, soumis à la censure et participant largement à une propagande visant à rassurer les Français de l'arrière, apportent une vision très déformée et naïve de la réalité.
N'hésitant pas à se déplacer sur le front pour installer du matériel de camouflage, Forain est un témoin direct du quotidien des soldats sur le front. Il réussit à s'attirer la bienveillance des Poilus envers ses dessins. A leurs yeux, tout en respectant la censure, il reproduit de façon plutôt fidèle une certaine vérité sur leur ressenti de la situation.

Rubrique "Leurs meilleurs dessins" de La Baïonnette du 13 janvier 1916. BM Reims, PER VIII 080

Un dessin créant la polémique

Plusieurs dessins de Jean-Louis Forain concernant la Première Guerre mondiale sont passés à la postérité.
Parmi eux, "Inquiétude" ne manque pas de susciter des réactions chez les civils et chez les artistes. Certains détournent ce dessin avec humour, à l'image d'Ibels avec son oeuvre "Les civils tiennent-ils ?", conservée au Musée des Beaux-Arts de Reims. D'autres, se sentant visés, y voient une provocation contre les civils qui ne soutiendraient pas assez les combattants, seraient défaitistes et peu courageux. Dans ce contexte, Lucien Boyer et Dominique Bonnaud écrivent les paroles de "Ohé m'sieur Forain : chanson de route des civils", mise en musique par le célèbre Aristide Bruant et interprétée notamment par le comique troupier Polin (Ecouter "Ohé m'sieur Forain : chanson de route des civils" interprété par le Chœur de Radio France).
L'expression "pourvu qu'ils tiennent" devient courante pendant la guerre. Les journaux et les artistes de l'époque la déclinent volontiers. "La Baïonnette" du 15 novembre 1917 intitule son numéro "Elles tiendront" et le consacre au courage des femmes pendant cette guerre.