René de Saint-Marceaux (1845-1915)
texte : Lucette Turbet, présidente de l'Association René de Saint-Marceaux
Biographie
La ville de Reims se révèle fondamentale dans la vie et l’œuvre de René de Saint-Marceaux.
Une famille attachée à la ville et au service des Rémois
Né au coeur de la cité, au 8 place Royale, le 23 septembre 1845, René de Saint-Marceaux était destiné à développer la maison de négoce de champagne créée par son grand-père Augustin, élu deux fois maire de Reims (1832-37 puis 1841-45). Son père, Alexandre, développe la marque de champagne Saint-Marceaux et s’engage dans la vie publique culturelle : il est un des fondateurs de la Société des Amis des Arts de Reims.
Le destin du jeune René est bouleversé par sa complexion maladive et son instabilité qui faisaient le désespoir de sa famille et de ses maîtres. La mort de son frère aîné Raoul, à l’âge de 20 ans, laisse cette famille bourgeoise meurtrie et elle accepte la vocation de sculpteur déclarée par son fils devenu unique. Imprégné d’art médiéval, René déclare sa reconnaissance à sa ville qui a suscité cette passion en lui : « Je suis né deux fois à Reims car les figures du Moyen Age de nos églises ont fait germer en moi l’amour de la sculpture ».
Entre Reims et Paris
Après sa formation dans l’atelier de Jouffroy à Paris puis deux séjours en Italie, Saint-Marceaux s’installe dans la capitale qui permet la participation aux Salons et les expositions-ventes dans les galeries. Il remporte deux succès deux années de suite, 1879 et 1880, avec le Génie gardant le secret de la tombe et l’Arlequin. Il est décoré de l’ordre de chevalier de la Légion d’Honneur et les Rémois l’accueillent en triomphe. Saint-Marceaux, touché, donne le plâtre du célèbre Arlequin et la maquette du Génie au musée des Beaux-Arts de Reims.
L’artiste bientôt célèbre reste proche de sa ville natale et donne des maquettes de son vivant. Il travaille aussi sur commande pour la municipalité rémoise et réalise la Vigne. A son décès, Marguerite son épouse, lègue le fonds d’atelier au musée de Reims accompagné d’inestimables albums. Des dossiers remarquables sont légués à la bibliothèque Carnegie qui permettent de démentir que Saint-Marceaux ne dessinait pas. Il ne réalisait pas de croquis avant de sculpter, il modelait directement la glaise, mais il dessinait par exemple son praticien, François Pompon dégrossissant un buste féminin. Le portefeuille d’œuvres réalisées par René de Saint-Marceaux contient une peinture de l'Arlequin sur carton fort (CLXXXII 11380). Ce personnage de théâtre a fait sensation et l’image du saltimbanque coloré, masqué et la batte à la main, reste collé à la peau de René, caricaturé sous cette apparence.
Une correspondance prolifique
La présence de Saint-Marceaux est tangible aussi par les lettres échangées avec les maires de Reims, avec les responsables du musée ou de la bibliothèque. Marguerite de Saint-Marceaux et son fils Georges ont également privilégié Reims pour leurs dons ou attributions d’oeuvres ou de documents : pages de journaux, revues, photos d’époque, croquis, textes imprimés.
Après une période d’oubli du aux guerres et à leurs destructions, nous reprenons conscience de la richesse de nos réserves. Les statues doivent rencontrer le public et les dossiers doivent être exploités. La bibliothèque patrimoniale Carnegie de Reims a eu l’opportunité d’acquérir en 2020 un lot de lettres écrites par René de Saint-Marceaux à son épouse (MS 2878). Ce trésor a traversé plus d’un siècle pour nous apporter une vision plus personnelle, plus intime du sculpteur. Il y dévoile sa vie de famille, ses émotions, ses doutes vis à vis de son travail, ses contacts avec des artistes contemporains, ses douleurs physiques qui entravent l’avancée de ses oeuvres, ses petites et grandes joies...
René de Saint-Marceaux doit sortir d’un oubli injuste et reprendre sa place dans l’histoire de l’art qu’il a contribué à faire évoluer. Les documents mis à notre disposition, de plus en plus nombreux après un siècle de sommeil, sont là pour le prouver. Ils nous invitent...
Sculpter l’intime, René de Saint-Marceaux 1845-1915, Lucette Turbet, éditions L’Harmattan, 2020.