Le livre de jeunesse : un patrimoine pour tous
Une histoire des livres pour la jeunesse
Historique
Aux XVIe et XVIIe siècles, les livres destinés aux enfants sont exclusivement éducatifs. Bossuet, La Fontaine et Fénelon rédigent des ouvrages de fiction à l’intention des élèves royaux. Ce n’est qu’en 1757 que Jeanne-Marie Leprince de Beaumont publie la première revue pour enfants intitulée Le magasin des enfants où elle écrit les premiers contes destinés à un jeune public. A cette même époque, les enfants s’approprient Gulliver, Don Quichotte ou Robinson Crusoé recommandé par Rousseau dans son Emile ou de l'éducation.
C’est au XIXe siècle que la production de livres pour enfants se développe grâce aux progrès techniques. Avec l’essor de l’instruction, un public de plus en plus large accède au savoir et à l’art. L’éditeur Louis Hachette, d’abord spécialisé dans les manuels scolaires, se tourne vers l’édition de loisir à partir de 1850. Il crée une collection à couverture rose et y publie notamment la comtesse de Ségur.
Cette collection, connue aujourd’hui sous le nom de Bibliothèque rose, continue de connaître un réel succès. De son côté l’éditeur Pierre-Jules Hetzel publie le Magasin d’éducation et de récréation. Son projet est de faire collaborer savants, écrivains et illustrateurs dans un but de vulgarisation scientifique et de mettre ainsi l’imagination au service de la pédagogie. Grâce à Jules Verne, Hetzel réussit à imposer un genre. Il lance également ses premières collections pour la jeunesse en faisant appel à des auteurs tels qu’Alexandre Dumas ou George Sand.
On assiste alors, à la fin du XIXe siècle, à un véritable engouement pour la lecture. C’est l’époque des romans à succès : Le tour de France par deux enfants de G. Bruno connaît un retentissement sans précédent tout comme Sans famille d’Hector Malot ou encore Le petit Lord Fauntleroy de Frances Hodgson Burnett.
Avec la Grande Guerre, l’enfant est placé au cœur des histoires. Il devient le héros de l’imagerie présente dans l’affiche, la carte postale, le dessin de presse et l’album. Après 1914-1918, la production éditoriale pour la jeunesse fait l’objet d’un intérêt particulièrement soutenu. Des titres tels que Les contes du chat perché de Marcel Aymé, Le Petit Prince de Saint-Exupéry et les livres de Jacques Prévert connaissent un très grand succès. La création des éditions du Père Castor par Paul Faucher, en 1931, donne toute sa place aux albums illustrés servis par de grands artistes tels que Nathalie Parrain, Fédor Rojankovsky ou encore Samivel. De son côté, Jean de Brunhoff publie, en 1931, Babar dont les albums sont novateurs de par leur grand format aux doubles pages illustrées et leurs couleurs particulièrement chatoyantes.
Alors que les années 1950-1960 sont marquées par l’industrialisation des entreprises, la concentration et la standardisation, l’éditeur Robert Delpire annonce la renaissance d’un artisanat créateur qui prendra son plein essor dans les années 1970. En 1956, soucieux de proposer avant tout des livres de qualité, Delpire édite Les Larmes de crocodile d’André François qui sera qualifié par beaucoup de « chef-d’œuvre ». De son côté, déplorant l’immobilisme de l’édition de jeunesse et une offre trop stéréotypée, l’éditeur François Ruy-Vidal, avec l’aide d’Harlin Quist, lance des albums novateurs par leur graphisme, qui suscite l’imaginaire, et leurs thèmes, qui abordent des sujets habituellement réservés aux adultes. Ils ouvrent une brèche dans le milieu fermé qu’était devenue l’édition pour la jeunesse et provoquent un formidable renouvellement de la production d’albums.
A partir des années 1980, les auteurs et les illustrateurs abordent ainsi la littérature pour enfants avec une liberté plus grande. Aujourd’hui, les rayons des librairies se sont considérablement étoffés. Il en résulte un choix d'une qualité parfois exceptionnelle et d’une créativité particulièrement développée.
Les éditions Hetzel
Fondées en 1837 par Pierre-Jules Hetzel (1814-1886), les éditions Hetzel connaissent leur premier succès avec Scènes de la vie privée et publique des animaux (1840) (Réserve M 118 et Réserve M 119). Ce recueil d'articles, nouvelles et contes satiriques réunit P.-J. Stahl (pseudonyme de Pierre-Jules Hetzel), Honoré de Balzac, Charles Nodier ou encore George Sand. En 1843, la collection « Nouveau Magasin des Enfants » propose aux enfants les œuvres de Balzac, Sand ou encore Dumas avec une mise en scène de la page innovante où l'image intègre le texte. En 1861, Pierre-Jules Hetzel rencontre un jeune auteur inconnu du public : Jules Verne. Hetzel publie l’essentiel de sa production. En 1864, ils lancent le premier numéro du Magasin d’éducation et de récréation (PER X 7), revue destinée à l'enfance. Outre Jules Verne, les éditions Hetzel publient Alphonse Daudet et Hector Malot mais aussi les textes de Stevenson, Charles Dickens ou encore Andersen. La maison Hetzel est rachetée par son concurrent Hachette en 1914.
Les éditions Hachette
Louis Hachette (1800-1864) lance les premiers ouvrages pour enfants en 1852 avec les Bibliothèques de gare. La maison Hachette fonde la « Bibliothèque rose » en 1856 puis la « Bibliothèque verte » en 1924 qui valorise des auteurs tels que Jules Verne ou Alexandre Dumas. L’album Histoire de Babar, le petit éléphant de Jean Brunhoff paraît en 1931. Hachette détient les droits d’incontournables ouvrages : Le Club des Cinq d’Enid Blyton, Alice de Caroline Quine, Les Six Compagnons de Paul-Jacques Bonzon, Michel de Georges Bayard ou Fantômette de Georges Chaulet. Après sa fusion avec d’autres collections, Hachette Jeunesse devient Jeunesse Collection puis se diversifie en s’associant à Disney et crée "Jeunesse Album". En développant "Livre de poche Jeunesse" en 1979, Hachette s’impose sur le marché du livre jeunesse et répond à toutes les tranches d’âges. Sans cesse en évolution, l’éditeur propose des livres documentaires ainsi que deux nouveaux départements en 1997 : "Jeunesse Romans" et "Hachette Images".
Le livre de prix
Le livre de prix est une récompense offerte aux élèves s’étant illustrés dans une matière au cours de l'année scolaire. Cette pratique est introduite par les Jésuites dans leurs collèges afin de favoriser l’émulation entre les élèves. Pratique incontournable au XIXe siècle, les écoles organisent une journée de remise des prix pour clôturer l’année scolaire et créer un moment festif. Le livre offert, un documentaire ou un roman, se distingue par son ex-præmio, rappelant la nature du prix et l'élève récompensé, collé sur le contreplat et par une reliure réalisée pour l’occasion portant le nom de l’école. Cadeaux précieux, ces livres pouvaient ainsi constituer le début d'une bibliothèque personnelle pour les heureux bénéficiaires.
Imprimés en grande quantité afin de répondre à une demande croissante (la loi Guizot (1833) oblige l'entretien d'une école publique à toutes les communes de plus de 500 habitants), ces livres participent à l'essor d'éditeurs laïques comme Hetzel et Hachette, des ateliers de reliure industrielle et de la littérature jeunesse.
Ce rituel perdure jusque dans les années 60.
Ex-praemio : feuille manuscrite ou imprimée (à partir de la fin du XVIIe siècle) placée en tête de l’ouvrage et mentionnant le nom du collège, le nom et les titres du donateur, la discipline, le nom et la classe de l’élève suivi de la signature du principal ou du responsable des études
La conservation partagée des documents pour la jeunesse
La conservation partagée des documents pour la jeunesse
Pourquoi et pour qui conserver des documents ?
Régulièrement, les bibliothèques doivent retirer certains livres de leurs rayonnages pour faire place à des nouveautés : cette opération s’appelle le désherbage. Certains documents jugés particulièrement intéressants sont alors mis en réserve, plutôt que détruits ou donnés parce qu’ils témoignent de l’histoire du livre pour la jeunesse, évoquent un thème en lien avec la ville ou encore parce que l’auteur est originaire de la région. Ce travail minutieux permet de sauvegarder un patrimoine fragile, témoin de notre mémoire collective. Le public peut alors continuer de consulter ces documents sous certaines conditions et ils sont régulièrement mis en valeur lors d’expositions.
Comment conserver ?
Cette procédure peut aussi être organisée à l’échelle de plusieurs établissements, dans le cadre d’un « plan régional de conservation des documents pour la jeunesse ». Aujourd’hui, il en existe sept en France, dont un dans notre région Grand-Est.
Le principe est simple : les bibliothèques et centres de documentation qui s’impliquent dans un plan de conservation partagée s’engagent à conserver, sans limite de temps, les documents correspondant aux thématiques qu’ils ont choisies. Les établissements bénéficient alors du désherbage d’autres bibliothèques pour enrichir leurs collections patrimoniales en devenir. Ces dernières font ainsi de la place dans leurs réserves en étant assurées que ces documents seront sauvegardés.
Et dans notre région ?
Neufs bibliothèques et centres de documentation (tels que le Centre National des Arts du cirque à Charleville-Mézières, la bibliothèque municipale de Châlons-en-Champagne, la médiathèque de Suippes ou encore Les Silos, maison du livre et de l’affiche de Chaumont) participent à ce jour au plan régional de conservation des documents pour la jeunesse. Ce dernier est coordonné depuis sa création en 2007 par Interbibly, association des professionnels du livre en région.