Syracuse

D'une enfance troublée...

Raoul Villain est né à Reims le 19 septembre 1885. Il traverse une enfance compliquée. Son père est greffier en chef au Tribunal civil de Reims et il est peu présent au domicile familial. Quant à sa mère, Marie-Adèle Collery, elle est internée dans l’hôpital psychiatrique de Châlons-sur-Marne peu après la naissance de son fils.

Villain est scolarisé au collège Saint-Joseph de Reims puis entre à l’Ecole nationale supérieure d’agriculture de Rennes en octobre 1905. Il obtient son diplôme d'ingénieur agricole quelques années plus tard. Entre-temps il effectue son service militaire à Bar-le-Duc au sein du 94^e Régiment d’infanterie d'où il est réformé au bout de quelques mois. Mais le monde agricole ne l’intéresse pas particulièrement, Raoul Villain préfère voyager dans différents pays et suit des cours d’archéologie à l’Ecole du Louvre.

... au passage à l'acte...

Ne trouvant pas sa voie, il poursuit sa vie errante et adhère à un groupuscule religieux conservateur appelé « Le Sillon » et au groupement d'extrême droite de la « Ligue des jeunes amis de l'Alsace-Lorraine ». Villain se radicalise et devient partisan d'une guerre contre l'Allemagne. Il se met en tête d’assassiner Jean Jaurès parce qu'il est pacifiste et qu'il s'est opposé à une loi prolongeant le service militaire de deux à trois ans. Il passe à l’acte le 31 juillet 1914 en tirant à deux reprises sur le député socialiste et directeur du journal L’Humanité qui dînait au restaurant le Café du Croissant à Paris. Il réussit à prendre la fuite jusqu’à ce qu’un journaliste ayant assisté à la scène le rattrape et le neutralise.

Raoul Villain est immédiatement incarcéré mais la guerre éclate quelques jours plus tard, si bien que son procès est repoussé jusqu’au printemps 1919. Des experts psychiatriques lui détectent des troubles psychiques et comme il a déjà effectué quatre ans et demi de prison, il est acquitté et libéré.

... et à son assassinat.

Villain vit alors de manière clandestine sous un nom d'emprunt, tente de mettre fin à ses jours quand il est remis en prison pour trafic de monnaies. Il se tire deux balles dans le ventre dans le cabinet de son père au palais de justice de Reims en 1921 pour protester contre l’opposition de ce dernier à son projet de mariage.

Il se met ensuite à voyager en Europe de l'Est et finit par s'installer sur l'île d'Ibiza grâce à un héritage en 1932. Il y sera assassiné en septembre 1936 par des anarchistes pendant les troubles de la guerre civile espagnole. Une tombe porte son nom dans le cimetière du Nord à Reims, mais son corps n’y a jamais été transféré et repose toujours dans le cimetière de Cala de Sant Vicent à Ibiza.

Sources : Ces Champenois qui ont fait l'histoire, de Bernard Cornuaille (BM Reims, DRM 544) ; Almanach du Champenois 2014 (BM Reims, PER CH XI 221)

L'acquittement de Raoul Villain

Le procès a lieu devant la Cour d'assises de la Seine et la première audience se tient le lundi 24 mars 1919. Dans une salle comble, l'accusé décline son identité et relate son parcours familial, scolaire et professionnel. Les médecins décrivent ensuite un individu atteint d'un déséquilibre mental complexe, et les témoins directs racontent la scène du crime. Puis en fin de journée, les dix-sept témoins de la partie civile défilent à la barre et font des hommages élogieux de Jean Jaurès. Les jours suivants sont consacrés aux réquisitoires et aux plaidoiries des avocats de Raoul Villain, Maîtres Henri Géraud et Alexandre Zévaès, et à celles des avocats de la partie civile.

Le jugement est prononcé le samedi 29 mars et le jury composé de douze membres décide d'acquitter l'accusé en le déclarant non coupable. Raoul Villain sort donc libre du tribunal et Madame Jaurès doit payer les frais de justice. L'opinion publique est scandalisée. Les hommes politiques et les journalistes expriment leur mécontentement et cent cinquante mille personnes se rassemblent le 6 avril 1919 pour manifester dans Paris.

Source : L'affaire Villain, de Sophie Darblade (BM Reims, DRP 247)