Laissez-vous conter les Halles du Boulingrin
texte : Service patrimoine de la ville de Reims
La place des Marchés
Guerre et Reconstruction
Comme le reste de la ville, la place des marchés est touchée par les obus de la Première Guerre mondiale mais sans destruction des bâtiments. Fin 1919, la municipalité demande à Georges Burdett Ford, architecte américain ayant achevé ses études à l’école des Beaux-arts de Paris, d’étudier le plan de reconstruction de Reims. Celui-ci envisage le transfert du marché en bordure de la place du Boulingrin, terrain libre proche de la gare. Cette place présente aussi l’avantage d’être desservie par de largues rues et d’offrir l’espace pour le stationnement. La construction du marché couvert est un projet essentiel pour relancer la vie sociale et économique de Reims.
Le concours d'architecture
En 1923, la municipalité organise un concours d’architecture pour la construction des halles. Le programme du concours définit les conditions de la réalisation. Il est ouvert à tous les architectes français ayant déjà construit des bâtiments similaires. Les halles doivent être en maçonnerie, béton armé ou métal dans un souci de réduction des coûts de construction et d’entretien. Les critères d’hygiène sont essentiels : l'eau doit être facilement utilisable et les sous-sols équipés de chambres froides. Les halles doivent être divisées en espaces pour la vente en gros, au détail et à la criée.
III
Le choix de la modernité
Si les candidats sont au nombre de 34 au départ, le jury présidé par le maire Charles Roche en retient d’abord 11 pour la première phase. Le 5 mai 1923, il désigne le candidat retenu : Émile Maigrot, architecte d’origine rémoise ayant une agence parisienne. Son projet de construction entièrement en béton armé séduit le jury. La Société Limousin, avec son ingénieur et co-fondateur Eugène Freyssinet, remporte le concours pour le gros-œuvre. Célèbres pour la réalisation des hangars à dirigeables d'Orly (1922), ils sont retenus pour leurs faibles conditions financières et leur maîtrise technique. C’est alors le début d’une totale collaboration entre l’ingénieur et l’architecte. Ce dernier remanie son projet initial, le projet finalisé diffère totalement.
Une construction innovante
Le chantier débute en février 1927 et s’achève 2 ans plus tard. Le bâtiment est impressionnant par ses dimensions, 109 m de long et 19 m de hauteur. Mais c’est surtout la voûte parabolique qui attire l’attention : en béton, elle ne fait que 7 cm d’épaisseur. La particularité est l’absence de doubleaux, reportés à l’extrados de la voûte. Comme aux hangars d’Orly, Freyssinet emploie un verre armé de 5 à 7 mm d’épaisseur, de couleur jaune, sans incidence pour les produits alimentaires. Le soubassement extérieur du bâtiment et l’entourage des quatre portes latérales est réalisé en Lap (ciment poli), matériau nouveau, ici de couleur verte, et plus résistant que le marbre.
Un édifice tripartite
Deux verrières divisent la voûte et permettent d’identifier les 3 espaces de vente : De part et d’autre du carreau se trouvent des boutiques pour des commerçants permanents. L’étage consiste en une mezzanine qui accueillait aussi des étals ainsi qu’une boucherie. Le premier marché a lieu fin octobre 1929, les Halles sont un rendez-vous très apprécié des Rémois pendant de nombreuses années.
Photographies du chantier par H. Deneux
IV
Une lente dégradation
Dès les premières années de fonctionnement, Émile Maigrot signale des fuites et une révision des carrelages à faire. En juin 1940, une bombe allemande détruit les verrières, les nouveaux verres, double vitrage, créent un problème de condensation. Face à la chute de morceaux de béton, Eugène Freyssinet conclut en 1957 que les bétons vieillissent prématurément en raison de la condensation et d’un défaut de ventilation de la voûte. Un filet protecteur est installé sous la voûte tandis que l’ensemble du bâtiment se dégrade petit à petit et ferme en 1988.
Le sauvetage des Halles
En 1987, les Halles, très dégradées, sont menacées de destruction par la municipalité. L’architecte des bâtiments de France de l’époque et de grands architectes internationaux se mobilisent contre la destruction du monument. Jack Lang, ministre de la Culture, protège d’abord les Halles en 1988. Il nomme une commission qui révèle les intérêts typologique, technique, documentaire et esthétique du lieu. À la suite de cela, les Halles sont classées monument historique par décret ministériel du 9 janvier 1990.
Divers reportages - source : INA
Destruction des halles de Reims contestée
JT Reims - 09/10/1987
Le projet de desctruction des halles de Reims pour faire place à un projet immobilier a été adopté par le conseil municipal de la ville. De nombreuses voix s'élèvent contre ce projet notamment des architectes qui considèrent que ce batiment spécifique fait parti du patrimoine local. Interview du Maire de Reims, Jean Falala qui défend son projet. Interview Marc Bedarida, Professeur aux beaux Arts pour la restauration du batiment.
Reims : construction de nouvelles halles
JT Reims - 11/01/1988
Début de la construction des nouvelles halles de Reims, à l'extérieur de la ville alors que les anciennes, situées au Boulingrin, vont être prochainement démolies. Présentation du projet en alternance avec les interviews de 2 commerçants et de Jean-Louis Schneiter, premier adjoint au maire de Reims.
Reims : Visite du Ministre de la Culture, Jack Lang
JT Midi - 18/10/1990
Compte-rendu de la visite hier du Ministre de la culture et le la communication Jack Lang, venu à Reims pour le lancement officiel de l'opération de mécénat "mon patrimoine" destinée à recueillir des fonds pour la restauration des statues de la façade de la cathédrale ; un imprévu à ces cérémonies, la manifestation des archéologues régionaux, peut-être à l'origine de l'attitude de non coopération du ministre avec les medias. Interview de Jack Lang, à propos de son projet concernant la réhabilitation des halles de la ville, prévues pour accueillir une médiathèque.
Les Halles du Boulingrin
Patrimoine - 10/10/1999
Les halles Boulingrin de Reims ont été construites dans les années 20 par un pionnier du béton : Freyssinet. Celui ci réalise une véritable prouesse technique avec une voûte en béton armé qui n'exède pas 7 cm d'épaisseur. Mais dés les années 40 l'édifice est attaqué par la corrosion, il est laissé à l'abandon et semble voué à une destruction inéluctable. En 1989 Jack Lang classe les halles monuments historiques, les halles représentent un des derniers témoins de l'architecture des années 30. Depuis Les halles sont à l'abandon, la Mairie est bien embarrassée, quelques projets ont pourtant été soumis : médiathèque, complexe cinématographique, parking, restauration. En attendant ce monument se délabre de plus en plus et devient même dangereux.
Remise en eau
Un chantier de restauration monumental
En 2006, la municipalité décide de restaurer les Halles et de leur redonner leur fonction originelle. Le chantier, financé par l’État, la Région et la Ville de Reims, s’étend de 2010 à 2012. La maîtrise d’œuvre est confiée à François Chatillon, architecte des monuments historiques, la maîtrise d’ouvrage à la ville. Les chiffres du chantier sont vertigineux : 47 entreprises et 60 ouvriers au quotidien, 600 tonnes d’échafaudage, 900 m² de verres armés…L’enjeu principal est la restauration des superstructures avec la réparation des bétons tandis qu’une étanchéité liquide doit protéger la voûte des intempéries.
Le monument étant classé, la restauration doit être la plus proche possible de la construction d’origine. Ainsi, les verres armés ont été coulés dans la même couleur jaune qu’à l’origine, les faïences proviennent du même fournisseur. Les traces de coffrage sur la voûte, typiques de la technique de construction des années 1920, ont aussi été restituées.
Projet de restauration des Halles Centrales du Boulingrin.
Le rendez-vous de la culture et de la gastronomie
Inaugurées en septembre 2012, les Halles ont aujourd’hui plusieurs vocations. Elles abritent le marché du centre-ville 3 jours par semaine. La mezzanine accueille des expositions temporaires et le carreau est ponctuellement le lieu de manifestations.