Laissez-vous conter la fontaine Subé
texte : Service patrimoine de la ville de Reims
La fontaine Subé
Un don pour un projet
En 1893, Auguste-Frédéric Subé (1807-1899), négociant rémois, fait de sa ville natale sa principale légataire. Par acte testamentaire, il fait don de 540 000 francs dont 200 000 francs pour l’érection d’une fontaine monumentale. L’emplacement de la fontaine est étudié par les élus tandis que le journal local effectue une enquête d’opinion auprès de ses lecteurs. En 1902, la municipalité décide d’élever le monument au croisement de la place d’Erlon et de la rue Buirette.
Le concours d'architecture
Un concours s’ouvre alors aux architectes et sculpteurs français et étrangers. On leur demande de présenter un projet de fontaine entourée d’un trottoir, dont le sujet doit être tiré de l’histoire de Reims, d’allégories sur les indusrries locales, d’une idée philosophique, ou encore de créer un monument "d’une architecture propre à orner le point de la ville où il sera élevé". 87 équipes participent à la première phase du concours. En 1903, les maquettes des projets de la 2nde phase sont présentées aux Rémois. L’architecte André Narjoux remporte le concours et s’associe aux sculpteurs Paul Gascq, Paul Auban et Louis Baralis, ainsi qu’à l’ornementaliste Joseph Wary. La première pierre est posée le 23 mai 1905 et la fontaine est inaugurée le 15 juillet 1906.
Lien vers la revue L'architecture - Cité de l'architecture et du patrimoine
Un monument représentatif
Un monument représentatif de la ville...
La fontaine mesure 17 mètres de haut et est réalisée en pierres de Corgoloin (Côte d’Or) et Chassignelles (Yonne). Elle se présente en une colonne enguirlandée de vigne sur laquelle prend place un groupe sculpté d’allégories. Une femme debout, couronnée et drapée, symbolise la ville de Reims. À ses pieds, le dieu Mercure représente le Commerce. Il est reconnaissable au caducée qu’il tient en main et à son casque ailé. Les autres figures illustrent les activités économiques de la région de Reims : la Vigne, l’Industrie représentée par un forgeron et l’Agriculture évoquée par un berger. Au niveau du socle, quatre naïades personnifient les rivières locales : la Vesle, l’Aisne, la Marne et la Suippe. Les angles du socle sont ornés de mosaïques de fleurs rares. Au sommet se trouve une Victoire ailée du sculpteur Paul Gascq.
...mais décrié
En raison du rendement limité des sources rémoises, le conseiller municipal Langlet précise que "la fontaine ne verserait d’eau qu’à titre d’indication" et que l’on valoriserait l’ensemble statuaire plutôt que les effets d’eau. Mais le faible débit d’eau (12 litres par seconde) est critiqué dès l’inauguration par les Rémois qui le jugent disproportionné à l’importance du monument. Par ailleurs, la nudité des naïades symbolisant les rivières choquait aussi la population comme en témoigne cette citation d’un poème de l’époque :
"Qui donc à voir ces jeunes filles sans vêtements penserait que Reims est célèbre pour son industrie textile ? Rémois, vous vous demandez pourquoi sur la fontaine Subé, tant de nymphes sont assises toutes nues et sans pudeur, bien en vue ? C’est que sans doute l’industrie de la laine ne produit plus de quoi les vêtir et que notre vin leur a joué un tour."
Construction de la fontaine Subé
Un symbole
Un symbole de l'entre-deux-guerres
À la fin de la Grande Guerre, Reims, vidée de sa population, est détruite à 60%. Des monuments emblématiques tels que la cathédrale ont été touchés par les obus. Alors que l’ensemble de la place d’Erlon n’est plus que ruines, la fontaine Subé a été quasiment épargnée par les bombardements. Si les statues ont été éraflées, seuls quelques éléments sont manquants : la statue de la Vesle a entièrement disparu ainsi que la tête de la Suippe, comme les bras de la Suippe et du berger représentant l’Agriculture.
L'histoire mouvementée de la Victoire ailée
En 1942, les Allemands occupent la ville. Ils déposent la statue de la Victoire ailée, probablement en raison de sa portée symbolique et aussi pour en récupérer le bronze. La boule au sommet de la fontaine reste nue jusqu’au début des années 1980. À cette période, Hubert Claisse, journaliste à L’Union, met en relation l’architecte Bernard Fouqueray avec Mme Madeleine Morin, filleule de Paul Gascq possédant une réplique réduite de la Victoire ailée. La statue y est présentée en mouvement, alors que le sculpteur l’avait représentée initialement au repos. Bernard Fouqueray obtient le financement du Crédit Agricole et de la ville de Reims pour reproduire la statue et la replacer sur la fontaine. Avec l’aide du sculpteur Jean Barat, il effectue un agrandissement de la réplique en résine dorée. Ce matériau est préféré au bronze. La Victoire ailée surmonte de nouveau la fontaine depuis le 24 décembre 1989.
La fontaine Subé
Remise en eau
Remettre en eau la fontaine
Initialement, la fontaine était alimentée à hauteur de 43 m3/h par le réseau public d’alimentation en eau. Cette eau était perdue puisqu’elle rejoignait le réseau d’égoûts puis la rivière. La fontaine a très peu fonctionné au cours de son siècle d’existence.
Aujourd'hui, la mise en place d’un circuit fermé d’alimentation en eau permet de ne plus gaspiller l’eau et d’augmenter sensiblement l’effet des cascades. La réalisation d’un ouvrage souterrain, de 4 mètres de profondeur et de 5 mètres de côté, contenant une bâche de stockage et des installations de pompage et de traitement, permet à l’eau de circuler dans la fontaine. Des canalisations assurent le transfert de l’eau entre la fontaine et cet ouvrage. L’éclairage, adapté aux nouvelles technologies, met en valeur le monument ainsi que le mouvement de l’eau.
Le montant des travaux de remise en eau et de restauration de la statuaire, d'environ 650 000 €, a été financé en très grande partie par une opération de mécénat, de particuliers et d'entreprises.