Marie Charles Jean Melchior de Polignac (1880-1950)
Le parc de Champagne (anciennement Pommery)
La Grande Semaine d'aviation
Biographie
Marie-Charles-Jean-Melchior, marquis de Polignac (1880-1950) est un descendant de l’aristocratie française et de la veuve Pommery (1819-1890).
Le marquis de Polignac étudie tout d’abord dans un pensionnat autrichien où le sport est un élément essentiel de l’éducation. C’est là qu’il développe sa pratique sportive et s’en passionne. Melchior reprendra les rênes de la maison familiale Pommery & Greno à 22 ans après l’obtention de son diplôme de la Haute Ecole de Commerce. Le jeune homme en prend l’entière direction à ses 27 ans après une formation interne et être passé par le travail dans les caves.
Ne se cantonnant pas à son héritage, il insufflera un réel élan et mouvement dans la vie sportive rémoise, y laissant sa trace.
Un ancrage local
En 1907, jeune dirigeant de la maison Pommery, le marquis commande à l’architecte paysagiste Édouard Redont (1862-1942) de construire sur les terrains de craie achetés par sa grand-mère un parc d’horticulture, le « parc Pommery ». Il permet ainsi à ses employés, leur famille et aux écoliers de respirer un air frais, naturel et propre, rare dans les caves de champagne. Melchior de Polignac est un fervent adepte de l’hygiénisme, selon lequel la bonne santé et le développement social se lient. Parsemé de statues antiques et de décorations, de courts de tennis, de terrains de sports, de pistes, de multiples espèces d’arbres, ce sera le premier parc sportif français.
Une méthode d’éducation physique, l’hébertisme, y est développée par l’officier et pédagogue Georges Hébert (1875-1957). Elle s’inspire d’une antiquité rêvée peuplée d’hommes plus proches de la nature, mêlant la gymnastique à l’esthétique. Le campisme est privilégié pour les sportifs, ils y développent des mouvements naturels, prennent des bains d’eau froide, ont une alimentation plus primitive et intuitive, etc. Afin de pousser cette nouvelle approche complète du sport, le marquis fait bâtir un complexe sportif. En 6 mois, un gymnase, une piscine, une salle de conférence ou encore un cinéma sont construits. Des sportifs se préparant aux futurs jeux olympiques fréquentent « le collège d'Athlètes de Reims ». Cette initiative privée est saluée et visitée à son inauguration en 1913 par le président Raymond Poincaré (1860-1934) accompagné du baron Pierre de Coubertin (1863-1937).
Le 2 octobre 1908, le 1er vol d’avion « de ville à ville » d’Henri Farman (1874-1958) atterrit sur ces mêmes champs de craie du Domaine Pommery. Melchior de Polignac lance alors le meeting aérien ainsi que la Grande Semaine d’aviation de la Champagne à Bétheny. Un million de personnes, dont le président de la République française et le premier ministre, s’y déplacent. Au milieu des champs et de leur horizon dégagé, les visiteurs peuvent apprécier les plus grandes découvertes aéronautiques de ce siècle au cœur du premier rassemblement d’aviation au monde. Suite à ces succès, la coupe Pommery naîtra, une compétition d’aviation organisée tous les ans jusqu’à la Grande Guerre.
Une adaptation à de nouveaux enjeux
L’entre-deux-guerres est marqué par un monde du sport dont les enjeux diffèrent radicalement. Les sportifs se professionnalisent et se spécialisent, entrant en rupture totale avec l’hébertisme et ses idéaux qui disparaissent peu à peu. La position que prend le marquis se doit de changer s’il veut conserver un impact et accompagner au mieux l’évolution de la société.
La Première Guerre mondiale porte un coup fatal au collège sportif en le détruisant. En 1919, Melchior de Polignac est élu président du « groupement sportif de Reims ». Il œuvre dans la ville et fait en sorte que certains espaces du parc soient rapidement réaffectés et s’ouvrent à un large public, permettant aux habitants de faire perdurer leur pratique sportive malgré les ravages de la guerre.
Son action se détache de la maison de champagne et s’ouvre sur Reims. Afin d’encadrer au mieux cet élan sportif naissant, il fonde le club omnisport de la Société sportive du Parc Pommery. À la suite de quelques coups d’éclats footballistiques, notamment contre Epernay, le club s’impose régionalement et devient en 1931 le célèbre Stade de Reims.
Les influences d’un exportateur
L'investissement direct du marquis dans ses projets en est l'élément principal de réussite. Ne se contentant pas de parrainer et d'être mécène, il obtient des accords, mène des travaux, se place au cœur de ses projets.
Membre de nombreux comités olympiques, il participe à la nomination de Paris et de Chamonix pour les jeux olympiques d'été et d'hiver (1ère édition) de 1924. Une de ces épreuves se passe par ailleurs à Tinqueux. Il est juré de nombreuses épreuves artistiques de ces jeux.
La visite régulière des pays qui importent les produits Pommery le rendent ambassadeur de sa maison et d’une certaine image de la France. Angleterre, Etats-Unis, Russie, Europe occidentale sont ses pieds à terre, où il entre dans divers cercles le faisant naviguer entre des sphères de pouvoir. Les enjeux géopolitiques, sportifs, industriels et mondains se mêlent alors.
En 1917, le marquis se rend avec le politicien André Tardieu (1876-1945) en mission aux États-Unis afin d’influencer les Américains à entrer en guerre aux côtés des alliés. Cette action de lobbying aura peut-être contribué au vote du congrès le 6 avril 1917 en ce sens afin de rejoindre la triple-entente en guerre. Melchior de Polignac rencontrera sa femme Nina Floyd Crosby (1881-1966) lors de ce voyage.
Les limites floues entre ses implications industrielles et politiques lui portent préjudice. Sa participation au Comité France-Allemagne et au comité d’honneur du groupe Collaboration, dont il est membre au plus fort de la Seconde Guerre mondiale, en témoigne. Cela lui vaut une condamnation en 1946 à 10 ans d'indignité nationale dont il est immédiatement relevé pour services rendus à la Résistance.
Le marquis de Polignac meurt à Neuilly-sur-Seine le 18 décembre 1950.