La mode sportive féminine
La fin du corset
La fin du corset
L’évolution majeure est l’abandon progressif du port du corset. Ce dernier, utilisé depuis l’Antiquité pour maintenir le corps de la femme, n’est plus compatible avec le mode de vie féminin, même s’il reste d’usage chez certaines femmes de la haute bourgeoisie qui souhaitent se conformer aux règles imposées par Paris, la capitale de la mode. Le corset est vivement critiqué, tant au niveau médical (pour entrave à la bonne santé et au bon développement du corps), sociétal (pour entrave à la natalité, sujet au cœur de l’actualité après la défaite de 1870), et aussi sportif (pour entrave à la liberté de mouvements). Le corset devient désuet et il est remplacé par une gaine de maintien plus confortable. De manière à gagner en souplesse et en praticité, les jupes sont raccourcies, les maillots, notamment de bain, sont confectionnés en maille, et des vêtements masculins comme le tailleur ou la chemise intègrent la garde-robe féminine.
Durant cette période, la pratique sportive reste toutefois réservée à certaines femmes aristocrates. Le baron de Vaux (1843-1915) fait l’éloge de ces femmes dans son ouvrage publié en 1885 « Les femmes de sport ». Il évoque la duchesse d’Uzès (1847-1933), la vicomtesse de Gilly, la baronne de Rothschild, la comtesse de Rosemont… Celles-ci pratiquent la chasse, l’escrime, l’équitation, le tir au pistolet ou encore l’alpinisme, vêtues de manière gracieuse et élégante.
Tenue élégante exigée
La pratique sportive féminine se démocratise et voit l’apparition de sportswomen, c’est-à-dire de sportives issues de catégories sociales moins aisées. Toujours habillées de manière élégante, elles pratiquent le tennis, le golf, le hockey sur gazon et surtout le cyclisme. Cependant, leur tenue répond toujours aux normes de la féminité, à savoir le port d’une jupe longue, d’une ceinture, d’un corsage, d’une coiffe… De nombreux ouvrages et articles publiés à la fin du XIX e siècle rappellent les bonnes pratiques vestimentaires à adopter par les sportives. Il s’agit de recommandations rappelant aux intéressées que le fait d’être sportive ne doit pas leur fait oublier les prérogatives qui incombent à leur sexe, à savoir la grâce, l’élégance et la maternité. Ces recommandations, véritablement imposées, sont suivies par la majorité des sportswomen.
Une minorité fait toutefois le choix de s’en affranchir et se libère de la robe pour porter une culotte bien plus pratique. Deux disciplines vont particulièrement permettre l’évolution de la tenue vestimentaire des sportives : la vélocipédie et le tennis.
Tenue élégante éxigée
Liberté de mouvement : « le bloomer » et le maillot de bain
L’essor de la pratique féminine de la bicyclette dans la dernière partie du XIX e siècle bouleverse la tenue vestimentaire des femmes. Dans les années 1850, l’Américaine Amélia Jenkins Bloomer (1818-1894) revendique le port du pantalon par les femmes dans leur vie de tous les jours. Bien que portant le plus souvent un pantalon bouffant, elle a donné son nom à la culotte bouffante symbole de la femme à vélo de la Belle Epoque dans la culture française. Ce « bloomer » offre une liberté de mouvements aux pratiquantes. Ce choix vestimentaire est loin de faire l’unanimité et les vélocipédistes subissent de très nombreuses critiques, leur reprochant de perdre toute grâce et toute féminité.
Les bains de mer, dont les vertus pour la santé sont valorisées par les théories hygiénistes, sont rendus accessibles grâce au développement du chemin de fer à partir du milieu du XIX e siècle. Ils engendrent l’évolution de la toilette pour le bain, d’autant plus que les femmes adoptent une pratique sportive de la natation à la place d’une baignade passive. Le port de longues robes, de corsets et de pantalons bouffants ne convient donc plus à cette nouvelle pratique : la robe disparait à partir de 1880 au profit d’une tunique et d’un pantalon couvrant le genou.
La championne australienne de natation, Annette Kellermann (1886-1975), participe à cette évolution en portant un maillot de bain une-pièce au début du XX e siècle. Cette nouvelle tenue, qui épouse les contours du corps, devient la tendance après la Première Guerre mondiale.
Liberté de mouvement le bloomer
Des tenues sportives de haute couture
En raison de ses origines aristocratiques, le tennis féminin impose à ses pratiquantes le port de tenues élégantes à défaut d’être pratiques. Les tenniswomen sont alors couvertes de la tête aux pieds, seuls leurs chevilles et leurs avant-bras restent apparents. Elles portent le plus souvent des chapeaux, des bustiers, des jupons et des robes à flanelles. Suzanne Lenglen (1899-1938) révolutionne la tenue vestimentaire des joueuses au début des années 1920. Lors de sa victoire au tournoi de Wimbledon en 1921, elle porte en effet une jupe plissée de soie blanche lui arrivant au-dessus du genou, avec un cardigan blanc sans manche et un bandeau orange dans les cheveux. Cette ensemble, dessiné par le couturier français Jean Patou (1887-1936), surprend les spectateurs et la presse de l’époque, d’autant plus que ses bas blancs deviennent visibles quand elle joue. Elle porte cette tenue jusqu’à la fin de sa carrière en 1927, participant ainsi à la libéralisation des sportives des carcans vestimentaires sur les courts de tennis.
Suzanne Lenglen déclare en 1926 : « On me fait peut-être plus de compliments encore sur mes toilettes que sur mon jeu : c’est presque vexant ! Il est certain que le succès de Patou n’est pas moindre que le mien ». Jean Patou s’intéresse à la tenue sportive, ayant compris que les femmes avaient alors besoin de vêtements plus simples et plus élégants dans leur vie de tous les jours mais aussi lors de leurs loisirs. Afin de répondre à cette nouvelle demande, il ouvre en 1925 « Le Coin des Sports » au sein de sa maison de couture parisienne ouverte en 1914. Les amateurs de sport peuvent trouver dans les différents espaces de ce magasin toutes les tenues destinées à la pratique de la pêche, du tennis, du golf, de l’aviation ou encore de l’équitation, disciplines pratiquées notamment par des femmes. Jean Patou, pour qui « la silhouette sportive, c’est le chic absolu », est ainsi à l’origine de la mode sportswear.
D’autres grands couturiers de l’entre-deux-guerres, comme Gabrielle Chanel (1883-1971), Jeanne Lanvin (1867-1946), Elsa Schiaparelli (1890-1973)…, vont créer des tenues pour les sportives.