Des cartes et des plans
Histoire
Le plan de ville fait aujourd’hui partie de notre quotidien. Il est présent dans les guides touristiques, sur du mobilier urbain pour permettre aux résidents ou aux touristes de se repérer. Proposé sous des formes diverses et variées, pliable pour pouvoir le ranger dans sa poche, dématérialisé sur internet ou par le biais d’applications mobiles, il est apparu sous sa forme actuelle il y a environ 175 ans en même temps que les premiers guides touristiques dont il était le complément nécessaire. Mais avant, les villes n’étaient pas cartographiées ainsi.
Les plans qui sont présentés sur cette page montrent l’évolution de la ville de Reims de la fin du XVIème siècle à nos jours mais également l’évolution de la représentation cartographique d’une ville. Ainsi les plans les plus anciens proposent-ils une vue cavalière de la cité, en 2 dimensions avec une représentation assez exacte des principaux édifices religieux. Puis, au milieu du XVIIIèmesiècle, la vue est quasi verticale et se rapproche de sa forme actuelle.
Ces plans permettent non seulement de témoigner des transformations et des changements de Reims dans sa topographie urbaine, dans sa toponymie, mais également des évolutions de ses activités agricoles, industrielles et commerciales.
Avant 1595
La grande, puissante et renommée ville de Reims, par C. Chastillon
1635
Le pourtraict de la ville cité et université de Reims, enluminé par J. J. Maquart d'après E. Moreau
1645
Description de Reims, ville très antienne et magnifique, lune des principalles de la Gaulle Belgique, par C. Chastillon, gravé par M. Mérian
1775
Plan de la ville de Reims, dédié et présenté au Roy à l'occasion de son sacre par son très humbe, très obéissant et très fidèl sujet, par Dom Coutans, Bénéd. de St Maur
1869
Plan de Reims, publié par Paul Giret
1894
Nouveau plan de Reims monumental industriel et commercial, gravé par H. Rollet
1921
Ville de Reims. Avant-projet d'aménagement, d'embellissement et d'extension, loi du 14 mars 1919, par la Ville de Reims
2017
Communauté urbaine du Grand Reims, par la Communauté urbaine Grand Reims
Urbanistes de la ville de Reims
Une carrière prestigieuse au service du roi
Issu d’une famille d’architectes et ébénistes, Jean-Gabriel Legendre naît à Valognes (Basse-Normandie) le 30 décembre 1714. Formé à l’école du corps des ingénieurs du roi, il débute sa carrière en tant que sous-ingénieur des Ponts et Chaussées de la généralité de Tours. En 1744, à l’âge de trente ans, Legendre est nommé ingénieur de la généralité de Châlons : il porte d’abord le titre d’ingénieur du roi avant de devenir ingénieur en chef. Il occupe ce poste jusqu’en 1763, lorsqu’il est nommé « Inspecteur général des ponts et chaussées et des ports de notre Royaume » et que son ancien poste est attribué à Jean-Baptiste Bochet de Coluel.
De grands chantiers d’urbanisme en Champagne
En tant qu’ingénieur de la généralité de Châlons, Jean-Gabriel Legendre supervise l’ensemble des travaux menant à l’amélioration des voies de circulation en Champagne : routes terrestres, voies fluviales, ponts… Legendre conçoit des plans d’aménagement ainsi que des projets architecturaux dont la mémoire s’est conservée jusqu’à nos jours. Cet ingénieur conçoit en effet les plans de l’Hôtel de l’Intendance de Champagne, devenue préfecture de la Marne dès 1800. Legendre rédige également des mémoires sur divers sujets liés à ses fonctions : les cargaisons trop conséquentes des « rouliers », qui nuisent aux chaussées des villes et aux grands chemins, ou bien encore les travaux prévus pour les routes militaires afin de relier plus aisément l’Allemagne aux Flandres.
Le grand projet de Legendre : La place Royale de Reims
Le nom de Legendre est indissociable de l’histoire de Reims au siècle des Lumières. Dès 1752, Legendre est chargé par le lieutenant des habitants de Reims, Levesque de Pouilly, de concevoir le plan d’un nouvel espace dédié à la gloire du roi : la place Royale, qui doit accueillir en son centre une statue de Louis XV. Ce projet donne lieu à d’intenses débats car l’aménagement de la place Royale nécessite de détruire certaines habitations du Grand Credo, quartier situé à proximité immédiate de la cathédrale Notre-Dame. Après une première présentation au Conseil de Ville en janvier 1754, le plan soumis par Legendre, soit (une place carrée de 40 toises sur 28, abritant un hôtel des Fermes), est finalement approuvé le 20 mai 1755. La place Royale voit le jour pour sa majeure partie entre la fin de l’année 1758 et 1765, année de l’inauguration de la statue de Louis XV, avant que les travaux ne soient interrompus faute de financements en 1772. Le projet inclut également l’élargissement de voies préexistantes et le percement de nouvelles voies, les rues Trudaine et Bertin. L’entrée des rues Colbert et Cérès est également concrétisée, mais il faut attendre 1825 pour que la rue Colbert soit percée.
Un plan de Reims à la veille de la Révolution
En 1769, Jean-Gabriel Legendre réalise également un plan général de Reims qui inclut diverses propositions d’aménagements dont un agrandissement du parvis de la cathédrale, un redressement des rues situées à proximité de la basilique Saint-Remi ainsi que la création de grandes perspectives depuis la Porte Neuve, à l’ouest de la ville, vers les clochers situés aux alentours de Reims : le clocher de Saint-Brice, le clocher de Saint-Thierry, ou bien encore le clocher de la Neuvillette. La majorité des aménagements pensés par Legendre ne verront pas le jour car, à la veille de la Révolution française, Reims est lourdement endettée et n’est plus en mesure de lancer des travaux d’une telle envergure.
Legendre est reçu en 1767 parmi les Chevaliers de l’ordre de Saint-Michel. Il meurt à Caen le 14 août 1770. Une rue de Reims est rebaptisée rue Legendre en 1841 afin de rendre hommage à ce personnage.
Source :
Marby, Jean-Pierre, "Jean Gabriel Legendre (1714-1770), un ingénieur des ponts et chaussées au siècle des lumières" in Regards sur notre patrimoine ; bulletin de la Société des amis du vieux Reims, n°35, juin 2015, pp. 31-33.
George Burdett Ford est né à Clinton dans le Massachusetts (Etats-Unis) le 24 juin 1879. Architecte-urbaniste, il est diplômé de l’université de Harvard en 1899, puis de l’Institut de Technologie du Massachusetts (MIT) en 1901. Il poursuit ses études à l’école des Beaux-Arts de Paris de 1903 à 1907. Il crée avec un associé la première firme privée d’experts-conseils en urbanisme aux Etats-Unis, la Technical Advisory Corporation. Il est également architecte conseil de la ville de New York.
Pendant la Première Guerre mondiale, il occupe le poste de consultant pour le War Departement, ministère américain chargé des opérations et du maintien des forces terrestres.
En mai 1918, George Ford devient représentant de la Croix-Rouge américaine en France et, à ce titre, responsable des reconstructions des zones de guerre en Europe.
A la fin de la guerre, la ville de Reims fait appel à l’association « Renaissance des cités » qui le missionne afin d’établir un plan pour la reconstruction de la ville. Le « plan Ford » prévoit notamment le percement de larges axes pour favoriser les déplacements et communications d’un quartier à l’autre de la ville. Critiqué vivement, ce plan est remanié plusieurs fois entre mars 1920 et sa version finale du 13 août de la même année. Seuls quelques projets indiqués dans ce plan seront mis en application comme le percement des rues Voltaire et Jean-Jacques Rousseau, ainsi que les cours Anatole France et Jean-Baptiste Langlet.
De retour aux Etats-Unis, il officie pour la Technical Advisory Corporation qu’il a créée des années auparavant et enseigne à l’université de Harvard.
Un urbaniste précurseur…
Né en 1897 à Paris, Maurice Rotival est diplômé de l’Ecole centrale de Paris en 1920. Il débute ensuite une carrière d’urbaniste au sein du cabinet Prost, Lambert, Wegenstein et Rotival. Il conçoit un premier plan d’aménagement, le Plan régional d’Alger, entre 1930 et 1936. Durant cette période, Maurice Rotival invente un nouveau concept qui fera date : celui des "grands ensembles », terme que l’urbaniste emploie dans un article de 1935 de la revue « L’Architecture d’aujourd’hui ». Il développe dans cet article une vision idéale des grands ensembles : « Nous espérons, un jour, sortir des villes comme Paris, non seulement par l'avenue des Champs-Elysées […], mais sortir par Belleville, par Charonne, par Bobigny, etc., et trouver harmonieusement disposés le long de larges autostrades, au milieu de grands espaces boisés, de parcs, de stades, des grandes cités claires, bien orientées, lumineusement éclairées par le soleil. Nous devons rêver de voir les enfants propres, heureux, jouant sur du gazon et non pas sur le trottoir. Nous rêvons, en un mot, d'un programme d'urbanisme, d'habitations à bon marché en liaison avec l'aménagement des grandes villes".
…A la carrière internationale
La renommée de Maurice Rotival se développe à une échelle internationale : il élabore ainsi un plan d’urbanisme pour la ville de Caracas (Venezuela) en 1939, qui ne verra jamais le jour. L’urbaniste devient également professeur d’urbanisme à l’université de Yale (Etats-Unis), où il diffuse une vision spécifique du plan d’aménagement. Celui-ci doit constituer un ensemble cohérent, qui ne repose pas uniquement sur des cartes et des éléments topographiques, mais doit intégrer une étude du contexte social, économique et industriel de la ville. Rotival devient également membre de la Société française des urbanistes.
Le plan Rotival : une transformation radicale de la ville de Reims
Entre 1959 et 1962, Maurice Rotival élabore un nouveau plan d’urbanisme de Reims, ville alors en plein déclin économique et social. Reims avait en effet été sélectionnée pour faire l’objet d’une planification expérimentatrice sous la supervision du Ministère de la Construction et du Commissariat général au Plan. Elle devait de plus faire face à l’afflux massif de nouveaux habitants dans un contexte d’exode rural.
Lors d’une première phase dite de Reconnaissance (1959-1960), Rotival élabore plusieurs scénarios dits “clés de développement”, parmi lesquelles une commission sélectionne la clé « Reims, ville d’échanges et ville universitaire ». L’objectif de ce plan est de développer l’attractivité de Reims à travers une université et des équipements sportifs (piscine, stade) et de loisirs (hôtels, salles de spectacle), afin que la ville devienne une véritable capitale régionale. La deuxième étape, de 1960 à 1962, consiste en la réalisation du plan : l’étude de concept est remise en mars 1962 au Ministère de la Construction. Cette étude a pour but de susciter le « choc psychologique nécessaire à la création de nouveaux moyens de production à la conformation de la ville comme un système vivant où les échanges vont se multiplier, tant sociaux que commerciaux ».
De nombreux aménagements
La troisième étape, concrétisée entre 1960 et 1980, consiste en la mise en application du plan Rotival, qui modifie considérablement le paysage urbain. De nombreux quartiers sont créés afin d’accueillir les nouveaux habitants de Reims dans des ensembles d’HLM (Habitations à Loyer Modéré) : la Zone à Urbaniser en Priorité (ZUP) Laon-Neufchâtel, entre 1962 et 1968 ; la ZUP des Châtillons jusqu’en 1971 ainsi qu’une nouvelle zone d’habitation construite sur le plateau de la Croix-Rouge entre 1968 et 1978. Le pont Charles de Gaulle est construit et deux grands axes sont créés à proximité : les avenues de Gaulle et Marchandeau. Un campus universitaire est édifié à proximité du quartier Croix-Rouge. Des équipements sportifs et de loisirs sont construits, comme le parc Léo Lagrange, une Maison des sports, un stade, ainsi qu’une piscine-patinoire. La Coulée verte est aménagée le long du canal de l’Aisne à la Marne. Les huit planches du plan Rotival sont aujourd’hui conservées dans les fonds des Archives municipales et communautaires de Reims et consultables en ligne sur leur site .
Maurice Rotival décède en 1980.
Sources :
- RALLET, Alain, La Maîtrise du développement urbain : le plan Rotival à Reims (1960-1980), Reims, Centre de recherches analyse de systèmes, Laboratoire de croissance urbaine (UER de droit et de sciences économiques de Reims), 1980.
- « Reims Horizon 2000 », dans Chantiers de France : Rhône-Alpes Méditerranée, n° 24 (novembre-décembre 1968), p. 3-59.
- CITÉ DE L’ARCHITECTURE ET DU PATRIMOINE, Archiwebture : Fiche descriptive du fonds Rotival, Maurice (1897-1980). 345 AA, disponible à l’adresse : https://archiwebture.citedelarchitecture.fr/fonds/FRAPN02_ROTIV