Ses sources d'inspiration
Ses sources d'inspiration sont multiples mais elle aime ancrer ses personnages dans les lieux où elle a vécu. Près de Belfort où elle passa son enfance ( La chatte dans le jeu de quilles ), à Paris (Des millions pour un cauchemar ), en Afrique ( Pas encore assez morte ), dans l’Yonne ( Partis pour les Galapagos, ne pas se fier au titre ! ), dans l’Aube et à Troyes (Une fois où il y eut Vanina, Jeux de clés, Les jeux des grandes personnes, Plongeon dans les eaux troubles) et à Eaux-Puiseaux où elle finit sa vie (Le temps du bulldozer).
Passionnée par l’électronique, les avions, les trains électriques, la mécanique, elle en fait le sujet de ses romans Voler n’est pas tuer, Et si on jouait au train, Mortelle mélopée mécanique.
La plupart de ses personnages sont des êtres ordinaires, qui, par un concours de circonstances se retrouvent impliqués dans une situation criminelle (Mais Juana n’était pas morte, Le bouscule pas c'est qu'un môme, Au pays de nulle part, Tout du rat sauf l’astuce, entre autres).
Dans Le temps du bulldozer qui se déroule à Eaux-Puiseaux, elle s’est inspirée d’un de ses voisins dont le bruit l’exaspérait. « Je suis allée le voir en lui demandant s’il préférait être tué d’un coup de pistolet ou d’un coup de carabine. Finalement, je l’ai tué d’un coup de fusil… »[1] Qu’on se rassure, le voisin s’en est tiré sans une égratignure dans la vraie vie !
[1] Marie-Anne Devillers : des cadavres et une forte odeur de poudre, JM Van Houtte, L’Est-éclair, mardi 20 juillet 1999.
Galerie
Le Polar Vintage
Mario Ropp (1917-2007)
Comme son nom ne l’indique pas, « c’est une femme qui se cache sous ce pseudonyme viril » précise Michel Lebrun dans sa critique de Ici-gît Valmah dans l’Almanach du crime 1980 . Mario Ropp, de son vrai nom, Marie-Anne Devillers, écrit sous différents pseudonymes : Anne Marie, Dominique Dorn, Michèle Vaudois, Maïa de Villers et Maïa Wadberg.
Née à Héricourt (Haute Saône), elle s’inscrit à l’Ecole des Arts Décoratifs à Paris très jeune, s’initie au dessin et à la sculpture. Pendant la guerre, elle écrit déjà des romans et des poèmes qui ne sont pas publiés. De retour à Paris, elle travaille dans un atelier de brochage à l’expédition de journaux. Elle fait une première incursion dans le domaine littéraire avec un premier roman sentimental : Cauchemar aux roches roses .
Engagée en 1950 par Théodore Monod dans le cadre d’une mission scientifique, elle part pour Abidjan afin de dessiner une série de plantes de la flore de l’Afrique Occidentale Française. Elle reste en Afrique jusqu’en 1957. « Je dessinais car c’était mon métier mais j’avais depuis toujours la passion d’écrire et je passais mes soirées à écrire des romans policiers. Pendant un congé en France en 56, je me suis trouvée assise à côté d’un homme inconnu qui était en train de lire un contrat d’auteur du Fleuve Noir. […] je me suis dit « pourquoi pas moi ? ».
Son premier roman policier jugé trop sentimental est rejeté par Armand de Caro des éditions Fleuve Noir. « Je lui en ai présenté un autre, encore simplement écrit à la main. Il l’a lu et ce roman lui a plu. Je l’ai donc tapé à la machine et ce fut mon premier roman au Fleuve Noir ». Jeu sans joie parait donc en 1957 dans la collection Spécial Police (n°136)
Son éditeur exigeant qu’elle prenne un pseudonyme masculin, elle trouve son patronyme en souvenir du vieux fort de Roppe du Belfort de son enfance et son directeur de recherche à Abidjan lui fournit le prénom, Mario. Elle consacre sa carrière au genre policier, écrit quatre livres par an et publie 95 titres aux éditions Fleuve Noir dans la collection « Spécial Police » sous le pseudonyme de Mario Ropp pendant 26 ans (1957-1983, date à laquelle elle cesse d’écrire) et 7 dans la collection « La Chouette » des éditions Ditis sous le nom de Dominique Dorn.
« Ce que Fleuve Noir représente pour moi ? Avant tout le moyen de gagner ma vie en faisant un « travail » qui me tenait à cœur depuis toujours. Pas un travail en fait, mais un amusement dont mon père m’assurait qu’on ne pouvait pas en vivre ! Ce n’était pas la fortune mais je ne demandais rien de plus. Maintenant, je suis vieille, je n’écris plus, mais je m’amuse à relire mes romans…pour les souvenirs ».
Connue pour vivre entourée d’animaux et prendre soin de « [sa] ménagerie », elle vécut heureuse à la campagne. Beaucoup de ses romans ont pour cadre la région où elle vit, notamment à Eaux -Puiseaux, petite commune de l’Aube où elle résida de 1961 jusqu'à sa mort en 2007.
Les adaptations TV et radio
Un de ses romans Ne fais pas ça Isabella est adapté en téléfilm par Gilbert Pineau et diffusé en 1967 à la télévision.
Notre métro quotidien écrit sous le pseudonyme de Dominique Dorn fut adapté par Jean Cosmos en pièce radiophonique et diffusée dans la célèbre émission de Germaine Beaumont et Pierre Billard, Les maîtres du mystère, le 28 mars 1961. A écouter ici https://madelen.ina.fr/programme/notre-metro-quotidien
En 1963, Le parfum de la peur[1] est porté à l’écran par José Bénazeraf sous le titre La drogue du vice (ou Le Concerto de la peur), avec Jean-Pierre Kalfon sur une musique de Chet Baker s’il vous plaît ! [2]
[1] Les métamorphoses de la chouette de Jacques Baudou et Jean-Jacques Schleret, ed. Futuropolis, 1986. Disponible à la Bibliothèque Carnegie.
[2] Paru sous le nom de Dominique Dorn dans la collection La Chouette.
Des critiques mitigées
Michel Lebrun, critique littéraire spécialisé dans le roman policier et auteur de plusieurs ouvrages sur le genre, note que « Comme fréquemment chez Mario Ropp, le point de départ est original, puis l’auteur s’égare et vagabonde sur les chemins de traverse. » [1] Dans sa chronique sur La femme d’une autre mort il enfonce le clou : « Mario Ropp tombe dans son travers habituel : son histoire part dans tous les sens et les éléments se rassemblent hâtivement en fin de volume comme si l’auteur se fiait totalement à son inspiration ».[2] Pour Héroïne sans repos, il reconnaît « qu’ici l’auteur a maitrisé son sujet ce qui donne un résultat intéressant.» [3] Ouf !
Paul Roche est plus enthousiaste « [les romans] de Mario Ropp se classent parmi les meilleurs du genre. On y discerne outre une intrigue très ingénieuse, une psychologie toujours exacte : Mario Ropp a beaucoup observé et beaucoup retenu de fait, ses personnages sont vivants et le dialogue n’est jamais faux ».[4]
Henri Collard, journaliste à France Soir, souligne que le lecteur « saura peut-être gré à l’auteur […] de n’avoir pas sacrifié à la mode en étoffant son récit par des descriptions gratuites de violence et des séances d’érotisme. Un non conformisme qui rend sympathique ce petit policier sans prétention »[5].
Claude Mesplède note deux belles réussites : Il fallait détourner la tête (1980) et Héroïnes sans repos (1981).[6]
L'avis d'Isabelle, bibliothécaire : Pour ma part, je n’aurais pas la prétention de donner un avis définitif sur l’œuvre de Mario Ropp. Sur plus de 100 titres publiés, je n’en ai lu que 5 ! Les intrigues m’ont paru plaisantes, mais parfois la fin de l’histoire semblait précipitée, comme si l’auteur se souvenait qu’il fallait bien en finir. La trame semble toutefois plus maîtrisée dans ses œuvres plus tardives. La lecture sans être inoubliable m’a distrait et je me suis amusée à lire les descriptions sur la mode vestimentaire, les coupes de cheveux et les détails historiques oubliés de l’époque : « Il portait un pantalon très large dans le bas, taillé dans un tissu brillant qui lui moulait étroitement les hanches. Sa chemise, elle aussi, lui collait au corps, dessinant ses pectoraux comme si elle était mouillée. Avec ses cheveux bruns et bouclés, pas trop longs, il ressemblait à un pâtre grec » ou « Je n’ai que vingt ans, je ne suis pas majeure et, si je fichais le camp de chez moi, mes parents mettraient toute la police sur les dents pour me retrouver ! » Festival en mort majeur (1971).[7]