Jean-Louis Forain (1852-1931)
Texte : Florence & Alice Valdès-Forain. Fonds de Dotation Jean-Louis Forain.
Portraits
Caricatures
Biographie
Louis-Henri Forain, dit Jean-Louis Forain, naît le 23 octobre 1852 à Reims. Fils d’un modeste peintre en bâtiment, il fréquente l’école de la rue du Ruisselet. Ses parents déménagent à Paris en 1863 et l’inscrivent à l’école des Frères du Gros Caillou.
Une vocation d’artiste
Vers 14 ans, Forain affirme sa vocation pour le dessin en se rendant assidument au Louvre : alors qu’il y copie Rembrandt, Goya ou Holbein , il rencontre le professeur de dessin Jacquesson de la Chevreuse et le célèbre sculpteur Jean-Baptiste Carpeaux. Ce dernier l’invite à intégrer son atelier, mais un an après son arrivée, l’apprenti est mis à la porte après avoir subi les excès de colère du maître sculpteur.
S’en suivent des années de misère durant lesquelles le jeune homme connait la faim et la rue. Pour survivre, il exécute des portraits après décès et des réclames. Le soir, il retrouve ses amis, Rimbaud, Verlaine et Villiers de l’Isle Adam, qui le surnomment « Gavroche », en souvenir de la gouaille parisienne du gamin des Misérables.
En 1874 il effectue son service militaire à Laval et intègre le 101 e Régiment d’Infanterie. A son retour, il se présente au Salon de 1874, sans succès. Plus jeune artiste à assister aux discussions enfiévrées menées par Manet et Degas au Café Guerbois, puis à La Nouvelle- Athènes il s’imprègne des théories impressionnistes sur la lumière et la couleur. Dans quatre expositions impressionnistes entre 1879 et 1886, il privilégie les scènes de la vie quotidienne : spectacles, cafés, courses, lieux d’élégance et de plaisirs, soirées mondaines. Les coulisses de l’Opéra où les abonnés s’encanaillent avec les petits rats, sont pour lui un haut lieu d’observation sociale : devant la pauvreté qui pousse les danseuses à chercher un protecteur leur garantissant des conditions matérielles décentes, il pose un regard plein d’empathie. Le critique d’art Huysmans se montre élogieux envers son travail dès 1879 : « Forain est l’un des peintres de la vie moderne les plus incisifs que je connaisse ».
Les dessins de presse, une consécration
Tandis que les journaux illustrés rencontrent un vif succès auprès du public lors des premières années de la Troisième République, Le Courrier français publie régulièrement les dessins satiriques de Forain à partir de 1887. En 1891 débute avec Le Figaro une collaboration dont le fruit sera de plus de mille dessins échelonnés sur plus de trente-cinq ans. De nombreux journaux tels L’Écho de Paris, Le New York Herald, Le Journal amusant, Le Temps, L’Assiette au beurre, Le Gaulois ou encore Le Rire se disputent également son esprit caustique qui en fait le plus féroce des successeurs de Daumier. En 1889, il lance son propre journal, Le Fifre, dans lequel il souhaite « conter la vie de tous les jours, montrer le ridicule de certaines douleurs, la tristesse de bien des joies ».
En 1890 a lieu sa première exposition particulière à la galerie Boussod-Valadon. L’année suivante, il épouse la portraitiste Jeanne Bosc (1865-1954) rencontrée dans l’atelier de Louise Abbéma. Tous deux forment un couple lié par une connivence d’artistes.
Les orages qui bouleversent la Troisième République - Panama, la crise anarchique, l’Affaire Dreyfus, les Fiches, les Inventaires - orientent Forain vers l’actualité politique qu’il commente avec férocité. Il publie les caricatures de l’Affaire Dreyfus dans Le Psst qu’il crée avec son ami et dessinateur Caran d’Ache (1858-1909).
De nouveaux thèmes apparaissent également sur sa palette avec des scènes religieuses et de pathétiques tribunaux, où en peintre moraliste, il proteste contre les injustices. Il présente en 1910 cinquante-quatre oeuvres à l’Exposition internationale de Bruxelles. En 1913, la rétrospective du musée des Arts décoratifs vient célébrer toutes les facettes de son art à travers 390 oeuvres.
Une ascension portée par ses convictions
Jean-Louis Forain met son art au service de la propagande patriotique en réalisant des scènes du front, qui évoquent le calvaire des soldats et des sinistrés pendant la Première Guerre mondiale. Alors que le 19 septembre 1914, la cathédrale et l’archevéché de sa ville natale s’embrasent sous les obus incendiaires allemands, Forain est scandalisé par le « crime de Reims » . Cet évenement le pousse à s’engager à 62 ans dans l’Armée et à participer activement à la création de la Section de Camouflage. Ses lithographies sont d’une exécution magistrale, et sa passion pour l’eau-forte ne cesse de croitre.
Septuagénaire, le peintre ne recule devant aucune audace et retranscrit l’atmosphère endiablée des Années 20 avec un pinceau toujours plus rapide et puissant. En 1923, Forain est élu membre de l’Académie des Beaux-Arts et devient le président de la Société Nationale des Beaux-Arts deux ans plus tard. Dans les dernières années, il expose à New York et à Pittsburg, est nommé en 1928 Commandeur de la Légion d’Honneur puis membre étranger de l’Académie Royale de Suède et d’Angleterre.
Son OEuvre constitue une exceptionnelle aventure plastique depuis la jeunesse du plus incisif des impressionnistes jusqu’à l’expressionnisme des dernières années, en passant par toutes les hardiesses d’un trait puissamment synthétique, admiré comme tel par ses pairs. Toulouse – Lautrec affirme en 1891 : « Je ne suis d’aucune école ; je travaille dans mon coin. J’admire Degas et Forain ».
Jean-Louis Forain décède à Paris, le 11 juillet 1931. Sa vie durant, Forain gardera un attachement tout particulier à sa ville natale : « Si je suis devenu artiste, c’est aux statues de Reims que je le dois ».